Dans une tribune publiée le 8 avril 2020 dans Le Parisien, une centaine de médecins s'inquiètent du sort des 12 millions de personnes souffrant de troubles psychiques (psychotiques, anxieux, schizophréniques…), très perturbés par le confinement et qui consultent beaucoup moins. « Ce sont les grands oubliés de la crise », martèle Marion Leboyer, directrice de FondaMental, fondation dédiée aux pathologies mentales, reprenant en écho les inquiétudes de l'ensemble des associations du champ du handicap. Les 2,5 millions de personnes prises en charge en psychiatrie, en ambulatoire ou en hospitalisation (…) restent dans l'angle mort de nos politiques publiques », ajoute-t-elle. Elle déplore « un plan blanc pour les hôpitaux, un plan bleu pour les Ehpad et rien pour la psychiatrie ! ».
Une population fragile...
La « grande vulnérabilité » de ce public dans un contexte épidémique « fait craindre une perte de chance intolérable ». D'autant que la prévalence accrue de pathologies associées (troubles cardio-vasculaires, diabète, hypertension…), 1,5 à 2 fois plus élevée qu'au sein de la population générale, constitue un facteur de risque d'infection sévère au Covid-19 pour ces patients, auxquelles il faut ajouter une difficulté à prendre en compte la douleur et exprimer leurs besoins en soins somatiques. Le risque d'une propagation de l'épidémie dans les hôpitaux psychiatriques serait-il particulièrement important ? Les personnes hospitalisées dans les unités de soins psychiatriques sont en effet des patients « debout », au contact les uns des autres. « En proie à des altérations de la mémoire et de la concentration, ils peuvent aussi éprouver plus de difficultés à respecter les règles de confinement et les gestes barrière », ajoute Marion Leboyer. Il est ainsi partout demandé à ce que ces patients, s'ils devaient être atteints du Covid19, restent dans les services de psychiatrie, dans des secteurs dédiés, sauf si leur état nécessite des soins de réanimation.
Et en cas de contamination ?
Marie-Jeanne Richard, présidente de l'Unafam, s'inquiète que « le manque de moyens des hôpitaux psychiatriques, s'ajoutant à un déficit en ressources humaines préexistant, ne pèse sur la capacité de l'hôpital à gérer sereinement cette crise (…) d'autant que les contaminations des soignants se multiplient ». Dans ce contexte, un nombre grandissant d'établissements psychiatriques ont créé des unités dédiées au Covid-19 pour permettre le traitement des patients psychiatriques infectés, tout en préservant la santé des soignants. Interpellé sur un possible « tri » des malades, notamment ceux avec un handicap psychique, au moment de l'admission en réanimation, Olivier Véran, ministre de la Santé, a réagi : « Je ne peux pas imaginer que cette pratique existe » et « le handicap ne doit pas être un critère de refus de soins, que l'on parle d'une hospitalisation simple ou d'une réanimation ».
Des options ambulatoires
Dans les services hospitaliers qui restent ouverts, le confinement conduit à la suspension des sorties thérapeutiques et des visites, ce qui perturbe le quotidien des patients et leur lien avec leurs proches. Certains hôpitaux ont donc mis en place des moyens dématérialisés : newsletters, numéros dédiés aux familles, autorisation de l'usage des téléphones portables et connections Internet… Pour ceux qui, à l'inverse, sont suivis en ambulatoire, la continuité des soins est assurée via des appels téléphoniques, soutien psychologique, téléconsultations médicales, visites à domicile, guides d'auto soins… Mais elle varie selon les hôpitaux. Une crise, selon l'Unafam, « révélatrice des inégalités territoriales ».
Familles en première ligne
Beaucoup de malades, souvent seuls, dans l'incapacité de faire face au confinement ou d'aller acheter leur médicament ou de quoi se nourrir, ont dû revenir vivre dans leurs familles. En première ligne, ces dernières souffrent, selon l'Unafam, d'une « grande solitude », d'autant que « les troubles peuvent être amplifiés par la situation actuelle » (article en lien ci-dessous). Dans ce contexte, l'association regrette l'absence de numéro unique à appeler en cas de décompensation sévère ou de risque suicidaire, le 15 ne pouvant pas, selon elle, « absorber ces demandes ». Rappelons qu'Emmanuel Macron a annoncé le, 1er avril 2020, un aménagement des règles de confinement pour certaines personnes handicapées, notamment psychiques, en les autorisant à sortir « un peu plus souvent » dans des lieux « porteurs de repères rassurants »
« faut se préparer à une crise longue, qui va profondément bouleverser le secteur psychiatrique ». Un brin d'optimisme pourtant… Les idées innovantes qui se déploient pourraient « ouvrir la voie à de nouvelles pratiques qu'il sera intéressant d'évaluer et pourquoi pas de conserver à la sortie de la crise », assure-t-elle. Pour Marion Leboyer, elles doivent « inspirer la psychiatrie française » afin de répondre, demain, « à une nouvelle situation épidémique et à ses effets négatifs en termes de santé mentale sur la population française ».sources Le Parisien