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Comment approfondir l’observation des ouvriers en ESAT pour mieux accompagner leur projet individualisé ?

5 Septembre 2015 , Rédigé par CAC-FORMATIONS Publié dans #Moniteurs d'ateliers, #Vie Sociale

Comment approfondir l’observation des ouvriers en ESAT pour mieux accompagner leur projet individualisé ?
Pour les plus jeunes, la notion de handicap « leur tombe sur la tête », lorsqu’ils sortent du milieu scolaire ordinaire. De ce fait, leur accompagnement en institution avec ses contraintes, ses rythmes et la vie en collectivité, pose de multiples questions. Ils sont souvent capables d’accomplir le travail qui leur est proposé sur le plan cognitif sans pour autant pouvoir aller au bout d’une tâche.
Parallèlement, la transformation progressive des exigences par rapport au travail présenté aux ouvriers des ESAT peut engendrer divers comportements de la part des éducateurs techniques. (Il s’agit notamment des prestations de service en relation directe avec les clients comme la restauration ou la blanchisserie qui sont astreintes à des horaires très rigoureux de livraison par exemple.)
Face à ces contraintes, on observe diverses possibilités :
Certains ouvriers habitués à une tâche l’accomplissent fort bien mais peut-être au détriment d’une ouverture sur d’autres tâches accessibles à leurs capacités mais qui exigerait de la part des moniteurs un temps d’apprentissage au détriment du rendement.

Il arrive aussi que des moniteurs d’atelier s’appuient sur les ouvriers particulièrement fiables : certains d’entre eux pourraient parfois être intégrés en milieu ordinaire du fait de leurs capacités acquises en ESAT justement, mais ils peuvent y être maintenus comme des « aides éducateurs».
En outre, il arrive que des professionnels soient contraints de terminer eux-mêmes une tâche du fait de l’instabilité, de l’absentéisme, de la lenteur ou de la maladresse de certains ouvriers qui de ce fait perturbent le fonctionnement d’un atelier. Les éducateurs, en terminant eux-mêmes une tâche, ne risquent-ils pas de délaisser momentanément ces ouvriers en difficulté et qui auraient justement besoin d’une aide individualisée spécialement ce jour là ?

Ces populations aux âges et problématiques très variés compliquent manifestement leur accompagnement. A leur arrivée en ESAT, une observation pluridisciplinaire avec des traces écrites synthétiques, accessibles par les ouvriers et par toutes les catégories professionnelles ne pourrait-elle pas constituer la base de la construction du projet individualisé de chaque usager comme l’exige la loi ? Cela pourrait-il être l’occasion de déterminer ensemble quel projet à court terme dans un premier temps, quelles seraient les priorités pour cet usager là, à ce moment là ?

« Exemple du manteau ». Un jeune agaçait un moniteur car il refusait de retirer son manteau en arrivant le matin. L’équipe pensait qu’il était temps pour lui de vivre en foyer car sa mère le surprotégeait. L’observation de « ce petit rien » a permis de se rendre compte qu’il y avait urgence de travailler en premier avec cette femme qui n’était pas prête à se séparer de son fils.
Cette démarche ne devrait-elle pas permettre à chaque ouvrier de mieux se connaître lui-même, de mieux connaître ses compétences, ses potentialités et « faire un peu mieux » avec son handicap ?
A partir de là, comment les moniteurs d’atelier, notamment, peuvent-ils proposer, inventer, créer s’adapter à des comportements pas toujours adaptés ? Ne pourraient-ils pour cela s’appuyer sur les propositions individuelles de chaque usager et/ou de ses propres observations ou de celle du groupe ?Exemples cliniques :
« L’espace en jaune ».
- Dans un atelier, un moniteur, après une longue observation d’un ouvrier psychotique instable, qui perturbait constamment ses collègues a eu l’idée de délimiter son espace en jaune sur le sol dans l’atelier. Cela a stabilisé cet homme. Plus tard, progressivement, il a pu changer de place sans ce repère qu’il avait dû intérioriser.

« Le rocking chair ».
Un moniteur d’espace vert a eu l’idée pendant l’hiver de proposer la construction d’un rocking-chair à partir de fauteuils cassés. Un des ouvriers particulièrement instable et dérangeant ses collègues a investi ce rocking-chair , le balancement semble avoir atténué son angoisse.
« Le spécialiste de la taille »
Toujours en espace vert, un ouvrier particulièrement instable s’échappait souvent, il « se taillait ». L’équipe a observé qu’il se blessait, « s’entaillait » fréquemment… A partir de sa demande de travailler « dans la taille », peu à peu il est devenu le spécialiste de cette activité, ce qui lui a donné une plus grande confiance en lui et une forme de sérénité dans son travail après une longue période de tâtonnement:Ce terme "taille" avait un lien direct avec son histoire "en autre..il avait été séparé de son frère jumeau"...

Les professionnels de soutien ont-ils toujours suffisamment de temps et de moyens pour accompagner les ouvriers en cohérence et en complémentarité des moniteurs d’atelier et des éducateurs techniques ?
Toutes ces questions exigent beaucoup de temps et de patience afin d’ établir des liens de confiance et finalement susciter de nouvelles positions , et l’acquisition de nouvelles connaissances pour les ouvriers, n’est-ce pas ?
Comment inviter ces personnes à « élargir le cercle de leur vie » ? Comment s’y prendre pour que l’atelier devienne un lieu où s’établissent des liens familiers ? Démarche d’appropriation individuelle de cet espace collectif , à travers le sentiment d’appartenance au groupe de travail ? Il me semble que le groupe peut avoir un effet de « contenant » apaisant et de ce fait avoir des effets thérapeutiques pour certains usagers.
Un ouvrier à qui l’on confie un travail précis en fonction de ses capacités ne se responsabilise t’il pas mieux par rapport à son travail ? Occasion de montrer sa propre valeur ?
Vis à vis des plus démunis, n’y a t’il pas la tentation de les laisser face à la même tâche répétitive qu’ils accomplissent fort bien mais au détriment de leur développement individuel et d’un projet individualisé plus riche ?
Qu’en est-il des dossiers de chaque ouvrier ? Quels renseignements y trouve-t’on ? Qui y a accès et pour quoi faire ? Sans entrer dans les détails qui relèvent de l’intimité d’une famille en particulier, il me semble qu’ils pourraient donner des repères concernant l’histoire de chaque usager, ses caractéristiques, sa pathologie, son parcours institutionnel et scolaire ce qui favoriserait sa connaissance et donc son accompagnement. En formation, je constate que les éducateurs en général ont des connaissances relativement floues de l’histoire des usagers ...


D’après l’article de F. Canto, F. Martin, C. Menadier, B. Richard, F. Simoës, in Pratiques en santé mentale.

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