La V.A.E d'Educateur Technique Spécialisé:Mutations obligées?
Les facteurs d’évolution...
De par les modifications législatives, les mutations du marché du travail, les contraintes économiques, les restructurations institutionnelles et l’évolution des problématiques des usagers du travail social, l’éducateur technique spécialisé a bien du mal à se positionner au cœur du système éducatif.
La modification des profils. Les niveaux des candidats en formation progressent, c’est une banalité sans doute de le dire ! Cependant les éducateurs techniques spécialisés sont aussi concernés par ce phénomène. Nous rencontrons davantage de postulants ayant atteint un niveau IV ou III et ayant suivi des études plus généralistes : bac technologique, dut. La palette des métiers s’est élargie ainsi que les emplois occupés jusqu’à l’entrée en formation. Le métier de base ne sert plus automatiquement comme critère d’embauche. Cependant cette sélection subsiste encore pour des ateliers spécifiques dans le secteur de l’apprentissage professionnel.
Les embauches. Force est de constater la diversité des offres d’emploi dans les secteurs d’activité et le schéma national du travail social nous démontre que beaucoup d’éducateurs techniques spécialisés, en poste actuellement, vont partir à la retraite massivement dans les cinq ans à venir. Qui va les remplacer et pour faire quoi ? Dans le travail protégé (cat, ap) la tendance depuis dix ans consiste à embaucher des moniteurs d’atelier et de moins en moins d’éducateurs techniques spécialisés (ou ma 1re classe). Toutefois, notons que les éducateurs techniques spécialisés en poste assument la plupart du temps les responsabilités de l’encadrement ou du soutien 1er et 2e type. De plus, l’application de la loi Aubry (les trente-cinq heures) a ouvert des postes dans notre secteur, également pour des fonctions d’éducateurs techniques spécialisés. Enfin, n’ignorons pas que les chantiers d’insertion se développent et, selon les régions, font appel à ces professionnels, même si dans certains cas, des éducateurs spécialisés ou « agents d’insertion », « chargés de mission », sont plutôt choisis.
La réforme du diplôme et la validation des acquis de l’expérience
Il est temps maintenant de parler de la réforme du diplôme des éducateurs techniques spécialisés, attendue par les professionnels dans la mesure où elle participe à définir non seulement leur rôle dans les activités quotidiennes, mais aussi l’avenir de cette profession
Trois axes sous-tendent l’engagement de cette réforme. Le décret instituant le certificat d’aptitude aux fonctions d’éducateur technique spécialisé, paru en 1976, ne correspond plus aux fonctions actuelles de ces professionnels. De ce fait, les contenus et le dispositif de formation ne répondent plus aux attentes des terrains employeurs. Il faut souligner que les centres de formation ont déjà fortement intégré les nouvelles orientations à leur dispositif de formation (de l’admission jusqu’au diplôme)
Les professionnels éducateurs techniques spécialisés s’inscrivent dans les projets d’une équipe, en complémentarité des actions éducatives. De ce fait, privilégier la transversalité dans la formation devient incontournable ; cela se traduit par une organisation des contenus en unité de formation à l’image des autres décrets en vigueur : es, me, eje
Les centres de formation se sont mobilisés depuis plus de douze ans dans les différentes commissions de travail initiées par le ministère, prenant en compte tous les textes actuels qui insistent sur la formation des professionnels dans les missions d’insertion et d’éducation (fonction des éducateurs techniques spécialisés) : loi de lutte contre les exclusions, schémas régionaux et nationaux des formations de travail social. Précisons que le dernier projet de réforme fait apparaître un référentiel qui peut déjà être opérationnel dans l’application de la validation des acquis de l’expérience (vae : inscrite dans la loi de modernisation sociale). De plus, ce texte facilite les promotions sociales.
Il est difficile de conclure un tel propos car rien de ce qui a été dit n’est achevé. Alors je prends le parti ou le pari de la militance. Ma conviction est que l’éducateur technique spécialisé doit poursuivre son numéro d’équilibriste dans la tension qui s’exerce entre le pôle de l’éducation et le pôle de la technique. Il ne doit abandonner :
ni ce qui a construit ses bases : ses compétences et sa culture technique, qu’elle soit à l’œuvre ou qu’elle reste une ressource ;
ni son désir d’entrer en relation éducative afin de permettre à celui qui est tellement fragilisé d’apprendre à nouveau, de faire confiance aux éducateurs et de s’inscrire dans une dynamique de projet.
Il est donc urgent que la profession se mobilise et se saisisse de toutes ces questions. Les enjeux en termes de reconnaissance, d’avenir de la profession et en termes d’emploi sont de taille ! Les éducateurs techniques spécialisés doivent se risquer dans les bouleversements annoncés. Institutions, centres de formation et professionnels devraient travailler ensemble à la question de la reconnaissance des compétences professionnelles des éducateurs techniques spécialisés ! Ils sont travailleurs sociaux, et, à ce titre, acteurs et partenaires de la relation aux publics en situation de handicap, d’inadaptation ou de difficultés sociales.
Demange Françoise, « Les éducateurs techniques spécialisés face à leur évolution », Empan 2/ 2002 (no46).