UN MANQUE D'INFORMATIONS SUR LES BESOINS DE PLACEMENTS EN ESAT...
Créées par la loi du 11 février 2005, les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), placées sous tutelle administrative des conseils départementaux, ont vocation à constituer un guichet départemental unique d'accueil, d'information et de conseil à destination des personnes handicapées. En leur sein, les commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) sont notamment compétentes pour se prononcer sur l'orientation des personnes handicapées et les mesures propres à assurer leur insertion professionnelle, après une évaluation des besoins de ces dernières par des équipes pluridisciplinaires. Les personnes sont orientées en ESAT sur décision motivée de la CDAPH, dont la durée de validité ne peut être inférieure à un an ni excéder cinq ans, sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires.
L'orientation des personnes handicapées en ESAT est ainsi proposée lorsque la CDAPH a constaté que « les capacités de travail ne leur permettent, momentanément ou durablement, à temps plein ou à temps partiel, ni de travailler dans une entreprise ordinaire ou dans une entreprise adaptée ou pour le compte d'un centre de distribution de travail à domicile, ni d'exercer une activité professionnelle indépendante »11(*).
Selon la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), en 2012, la part des demandes d'orientation en établissements sociaux et médico-sociaux pour adultes représentait 4 % des demandes adressées aux MDPH et le délai moyen de traitement de l'ensemble des demandes adultes était de 4,4 mois12(*).
En 2012, les MDPH ont déclaré avoir prononcé des décisions d'orientation en ESAT pour 8 416 personnes handicapées, un chiffre légèrement en hausse par rapport à l'année précédente (+ 2,6 %). Le nombre de travailleurs en attente de placement en ESAT était, d'après les chiffres communiqués, de 12 806. Ces chiffres sont toutefois difficilement exploitables, compte tenu du nombre élevé de MDPH n'ayant pas communiqué leurs données ; ils paraissent donc largement sous-évalués.
Ni le ministère des affaires sociales ni les Agences régionales de santé (ARS) ne disposent, à un leurs niveaux respectifs, d'informations sur le nombre de demandes d'orientation en ESAT qui sont adressées aux MDPH, sur le nombre de placements effectifs ou sur le nombre de personnes en attente de placement. En effet, chaque MDPH dispose de son propre système d'information et de ses propres méthodes de calcul, sans référentiel commun. La gestion de la liste d'attente relève de leur organisation interne. Cette absence de système d'information consolidé soumet les ARS à des difficultés pour recenser les besoins sur leurs territoires en termes de placement en ESAT, et donc pour ajuster les places disponibles en conséquence.
De même, il est difficile pour les MDPH de connaitre le nombre de places non occupées et disponibles à court ou moyen terme. En effet, les ESAT ne fournissent pas systématiquement un retour d'information aux MDPH sur l'acceptation ou non d'une proposition d'orientation, ce qui complique le suivi statistique des dossiers. Plusieurs MDPH ont toutefois pris des initiatives afin de faciliter l'échange de données avec les établissements, comme le rappelle la CNSA dans un rapport de 2012.
Par ailleurs, votre rapporteur spécial a eu connaissance d'une initiative lancée par l'UNAPEI visant améliorer la connaissance des populations accompagnées dans les établissements gérés par ses associations membres, dont des ESAT. Un outil informatique, expérimenté dans trois régions (Bretagne, Auvergne et Lorraine) et en cours de déploiement, permet de recenser les personnes présentes en établissement et de mesure les écarts existants entre leurs besoins et leur placement effectif, dans une logique prospective d'évaluation des besoins à trois ou cinq ans.
Enfin, le rapporteur spécial a été alerté sur l'insuffisante mise à jour des listes d'attente par les MDPH, qui peut conduire à ce que certaines personnes s'y trouvent alors qu'elles ne sont plus en recherche d'une activité professionnelle en ESAT, ou à des difficultés à joindre les personnes répertoriées.
Dans sa synthèse des rapports d'activité 2013 des MDPH publiée le 2 mars 2015 la CNSA relève ces dysfonctionnements. Un audit des systèmes d'information des MDPH a été conduit en 2013. Deux scenarios d'évolution sont à l'étude : l'élaboration d'un cahier des charges auquel les systèmes d'information actuels devraient se conformer ou la création d'un système d'information national. Une étude de faisabilité a été lancée par la CNSA avec l'appui de l'Agence des systèmes d'information partagés de santé afin d'expertiser ces deux solutions.A suivre!
Céline MICHEL psychologue du travail