Autisme et coronavirus : "La crise sanitaire actuelle fait apparaître l’étendue des dégâts"
Le confinement imposé dans le cadre de l’épidémie de coronavirus impacte fortement le quotidien des personnes autistes et de leurs familles. Danièle Langloys, présidente de l’association Autisme France tire la sonnette d’alarme à l’occasion de la journée mondiale de sensibilisation à l'autisme, ce jeudi 2 avril:
Emmanuel Macron annonce un aménagement des règles de confinement pour les personnes autistes. Ils vont être autorisés à sortir "un peu plus souvent", pour se rendre sur les lieux habituellement fréquentés, "porteurs de repères rassurants". À l'occasion de la Journée mondiale de sensibilisation à l'autisme, le chef de l'Etat a adressé un message vidéo aux autistes et à leurs accompagnants, qui connaissent une période "difficile" avec la crise du coronavirus. Un formulaire d'attestation sera adapté spécialement pour eux et leurs accompagnants.
L'inquiétude des associations et des personnels médico-sociaux grandit face aux conséquences dramatiques de l’épidémie de coronavirus pour les personnes autistes et leurs proches. En France, l'autisme est reconnu comme un handicap depuis 1996 et concerne environ 700 000 personnes souffrent de ce que l’on appelle un trouble du spectre de l’autisme (TSA). Près de 30% d’entre elles présentent une forme sévère de cette pathologie et nécessitent une prise en charge quotidienne.
"La crise sanitaire actuelle fait apparaître de manière flagrante ce que l'on ne sait toujours pas faire, ou qu’on fait à minima. On mesure l’étendue des dégâts. En particulier en ce qui concerne l’aide aux plus démunis". À l’occasion de la journée mondiale de sensibilisation à l’autisme, ce jeudi 2 avril, Danièle Langloys, présidente de l’association Autisme France souhaite lever le voile sur la situation intenable dans laquelle se trouvent actuellement certaines familles.
L’autisme, un trouble complexe
"Le trouble du spectre de l’autisme (TSA) est un trouble neurodéveloppemental précoce qui affecte la construction du cerveau, vraisemblablement in utero. Il se manifeste par des difficultés d’interaction et de communication sociale plus ou moins sévères, une tendance à la répétition de comportements ou de discours, un répertoire d’intérêts restreints et stéréotypés ainsi qu’une résistance au changement. Le diagnostic est fondé sur des observations clinique et comportementale. Il est fiable à partir de 18 mois.
Le spectre de l’autisme comporte différents degrés de sévérité, déterminés en fonction du besoin d'assistance. Une personne qui se situe dans le haut du spectre de l’autisme peut avoir besoin d’une aide psychologique ou sociale pour mieux comprendre son environnement, mais rester indépendante et travailler ou avoir une famille. En revanche, à l’autre bout du spectre, on retrouve des personnes très dépendantes qui souffrent d’une forme d'autisme sévère, en général associée à d’autres troubles qui peuvent être cumulatifs : trouble du développement intellectuel, épilepsie , trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité, dyspraxie , troubles anxieux, troubles alimentaires ou troubles du sommeil."
Le confinement impacte particulièrement les personnes autistes
"Les conséquences de cette crise sanitaire diffèrent en fonction de la sévérité du trouble autistique. Les personnes autistes ont beaucoup de mal à appréhender leur environnement et à s’y faire accepter, quel que soit leur niveau de compétences cognitives. Toute perte de repère ou changement d’habitude peut donc être source de stress ou de colère. Sans compter que les personnes autistes sont très anxieuses et font parfois des dépressions sévères. Le confinement pourrait accroître leur sentiment d’angoisse et de frustration.
Cette situation induit aussi des difficultés de prise en charge et complique la poursuite des soins essentiels au bien-être des autistes les plus sévères. Cela met potentiellement en danger leur santé, ainsi que celle de leurs familles. Les autistes sévères ont besoin de se défouler et ne comprennent pas la distanciation sociale, donc le port du masque. Cela peut les perturber, les effrayer."
Des risques sanitaires accrus
"Les consignes du gouvernement sont de favoriser le maintien à domicile des personnes en situation de handicap. En principe, les internats qui fonctionnent à temps complet pour les enfants et les adultes sont toujours ouverts, ainsi que les Établissements spécialisés d’aide par le travail (Esat). Par mesure de précaution, les sorties y sont suspendues jusqu'à nouvel ordre et les visites interdites (sauf autorisation exceptionnelle). Mais en réalité, certains de ces établissements ont fermé pour protéger patients et soignants. Les externats, eux, sont fermés mais tenus de maintenir un service minimum d'assistance aux familles.
En effet, qu’elles soient confinées dans des structures spécialisées, ou encadrées par leur famille, les personnes autistes sont exposées comme tout le monde au risque de contamination directe ou environnementale. Le virus ne s’arrête pas aux portes des établissements et des foyers.
Malheureusement, dans le contexte actuel, les professionnels du médico-social ne sont pas prioritaires pour bénéficier de stocks de masques, de gants ou de blouses. Cela pose un problème dans les internats encore ouverts, car si les personnes autistes y sont confinées, leurs encadrants, eux, ne le sont pas systématiquement. De même, l’accompagnement à domicile pour soutenir les familles est quasi-impossible : sans protection, le risque de contamination pour la personne autiste, la famille et le professionnel est trop important."
La détresse des familles
"Du fait de la fermeture de certaines structures médico-sociales, les familles ont du accueillir leur enfant à la maison. D'autres ont fait le choix de retirer leur enfant de l'internat juste avant le confinement. Dans des conditions dramatiques : la continuité des soins n’est pas toujours assurée, et les familles doivent réapprendre à vivre avec leur enfant au quotidien. Elles doivent assurer les soins, l’assister pour ses besoins élémentaires, assurer la scolarisation à domicile, gérer les crises et les conflits éventuels... Très souvent ce sont d’ailleurs des femmes seules qui gèrent des adolescents ou de jeunes adultes.
Sans le soutien d’un éducateur spécialisé, d’un psychologue, d'un pédopsychiatre ou d'un accompagnateur de vie scolaire, les proches doivent s'improviser enseignants, éducateurs, psychomotriciens…. Ils sont parfois confrontés à des enfants, des adolescents, des adultes qui ne parlent pas, qui ne sont pas propres, et sont parfois violents. C’est ingérable. D’autant qu’on peut avoir plusieurs enfants autistes… Le manque de solutions de répit va accroître l’épuisement des familles qui appellent déjà au secours."