Formations spécialisées des ouvriers ESAT et prises en charges...
Une nouvelle population sur les établissements de travail protégé, est arrivée sur les établissements depuis quelques années,avec des attentes,besoins de prise sen charges..
Ce sont de nouveaux usagers très jeunes, avec un parcours scolaire difficile, irrégulier. Ils peuvent avoir une absence de formation professionnelle, et même avoir un vécu d’errance sociale en lien avec la précarité et une absence de vie en institution. Certains ont fait des tentatives plus ou moins fructueuses de travail en milieu ordinaire qu’ils ont dû abandonner pour raison de santé ou d’impossibilité de s’adapter aux contraintes de cet environnement.
Parmi ces nouvelles recrues, les professionnels constatent une présence accrue de personnes avec des handicaps psychiques, des maladies mentales plus ou moins graves et une déficience intellectuelle légère.
Certains d’entre eux ont à faire à l’alcoolisme, le tabagisme et / ou diverses formes de toxicomanies…
Comment approfondir l’observation des ouvriers en ESAT pour mieux accompagner leur projet individualisé ?
Pour les plus jeunes, la notion de handicap « leur tombe sur la tête », lorsqu’ils sortent du milieu scolaire ordinaire. De ce fait, leur accompagnement en institution avec ses contraintes, ses rythmes et la vie en collectivité, pose de multiples questions. Ils sont souvent capables d’accomplir le travail qui leur est proposé sur le plan cognitif sans pour autant pouvoir aller au bout d’une tâche.
Parallèlement, la transformation progressive des exigences par rapport au travail présenté aux ouvriers des ESAT peut engendrer divers comportements de la part des éducateurs techniques. (Il s’agit notamment des prestations de service en relation directe avec les clients comme la restauration ou la blanchisserie qui sont astreintes à des horaires très rigoureux de livraison par exemple.)
Face à ces contraintes, on observe diverses possibilités :
Certains ouvriers habitués à une tâche l’accomplissent fort bien mais peut-être au détriment d’une ouverture sur d’autres tâches accessibles à leurs capacités mais qui exigerait de la part des moniteurs un temps d’apprentissage au détriment du rendement.
Il arrive aussi que des moniteurs d’atelier s’appuient sur les ouvriers particulièrement fiables : certains d’entre eux pourraient parfois être intégrés en milieu ordinaire du fait de leurs capacités acquises en ESAT justement, mais ils peuvent y être maintenus comme des « aides éducateurs».
En outre, il arrive que des professionnels soient contraints de terminer eux-mêmes une tâche du fait de l’instabilité, de l’absentéisme, de la lenteur ou de la maladresse de certains ouvriers qui de ce fait perturbent le fonctionnement d’un atelier. Les éducateurs, en terminant eux-mêmes une tâche, ne risquent-ils pas de délaisser momentanément ces ouvriers en difficulté et qui auraient justement besoin d’une aide individualisée spécialement ce jour là ?
Dans le terme « transfert » il y a la notion de « déplacement » d’une personne à une autre. Le transfert, dans le travail social, est l’ensemble des liens affectifs qui s’élaborent entre les usagers et les professionnels. Il se manifeste dans le rapport avec quelqu’un à qui l’on parle. Il est inconscient, ambivalent comme tout attachement affectif. Il reflète les positions affectives que le sujet avait établies avec ses parents, sa famille, ou les personnes qui se sont occupées de lui dans son enfance. A son insu, il reproduit les mêmes comportements affectifs vis à vis des professionnels, de manière répétitive. Par exemple, s’il a été maltraité ou s’il a eu le sentiment d’être abandonné, il va tout faire inconsciemment pour l’être à nouveau.
En effet, dans le transfert, il arrive qu’un sujet répète quelque chose qui a trait à une sorte de « jouissance » inconsciente pathologique, incontrôlable, qu’il peut supporter très longtemps bien que, paradoxalement, ce soit douloureux pour lui. Il rejoue ainsi tous les modes possibles des positions affectives du passé, des souffrances, des frustrations, des inhibitions, des passions, dans lesquelles il semble « pris » depuis toujours.
La relation qui s’établit avec un professionnel est bien une répétition du passé mais avec un déplacement car il s’agit là d’une nouvelle relation, avec une nouvelle personne mais avec des liens affectifs véritables et toute leur complexité, que le sujet s’efforce de maintenir à tout prix.
Les relations avec des professionnels peuvent être créatrices et avoir des effets thérapeutiques s’ils adoptent une réponse différente à ces manières d’être qui appartiennent au passé pour l’usager.
Comment gérer ces affects que provoquent les usagers chez les professionnels ?
Que faire des phénomènes d’usure fréquents chez les professionnels qui travaillent depuis très longtemps auprès de ces populations qui parfois semblent stagner ?
Dans les institutions, bien souvent, la dimension « affective », donc subjective, est censurée (à juste titre s’il s’agit de résonances personnelles donc intimes pour le professionnel, car l’institution n’est pas le lieu pour les traiter directement). Pourtant, chacun a fait l’expérience que tout au long de leur prise en charge, les usagers du secteur social repèrent la ou les personnes des équipes avec lesquelles ils tentent inévitablement et inlassablement de retrouver le type de liens affectifs qu’ils avaient noués dans leur enfance (parfois ils arrivent à se faire rejeter par toute une équipe professionnelle).
Les ESAT ont des ressources potentielles à l’intérieur et à l’extérieur pour les aider : le personnel de soutien, les médecins généralistes, les services de psychiatrie, CMP, dispensaires, le planning familial, des psychologues ou des psychanalystes à l’intérieur ou à l’extérieur de la structure… comme le médecin du travail par exemple en tant que partenaire...
D’après l’article de F. Canto, F. Martin, C. Menadier, B. Richard, F. Simoës, Pratiques en santé mentale.