La Commission Professionnelle Consultative du travail social et de l’intervention sociale vient de produire un document considéré comme un point d’étape sur la réflexion menée en vue de réformer la formation des travailleurs sociaux. Si certains aspects de la réflexion sont particulièrement intéressants d’autres interrogent l’avenir de leurs professions qui sont tout simplement appelées à disparaître. Fini donc l’assistante sociale, l’éducateur ou la conseillère en ESF. Exit également l’éducateur technique spécialisé et l’éducatrice de jeunes enfants. Selon ces préconisations, il n’y aurait plus qu’un seul travailleur social dont la profession serait définie par le niveau d’études et la spécialité dans laquelle il se serait positionné.
Cette « révolution » dans le travail social est en marche et l’on on voit mal comment elle pourrait être arrêtée, bien que celle ci appelle à plusieurs commentaires.
La disparition des professions dites « canoniques » (c’est à dire remontant à seulement quelques décennies) risque fort de diluer les spécialisations structurantes qui se sont opérées au fil du temps. Pour construire une maison, au delà de sa conception et de l’évaluation finale à la remise des clefs, il faut faire appel à de multiples corps de métiers tels le maçon, le charpentier, l’électricien, le couvreur etc. Pour la construction de notre maison commune, celle du travail social, terme généraliste qui recouvre une multitude de domaines, les professions généralistes de domaines précis vont s’effacer pour laisser place à des métiers généralistes qui avec 10% de temps alloué à une spécialisation lors de la formation initiale devront être en capacité d’agir de façon efficace dans des domaines .
Cette nouvelle forme de professionnalisation n’est pas sans avantage nous explique la CPC : Elle renforcera le sentiment d’appartenance à un même corpus professionnel des milliers de travailleurs sociaux qui interviennent actuellement avec des diplômes très divers notamment dans les niveaux IV et V. Pour les actuels niveaux III, nous aurons d’un coté les CESF et assistantes sociales positionnées dans le champ de « l’aide et le développement social » et de l’autre les éducateurs spécialisés, les éducatrices jeunes enfants et les éducateurs techniques spécialisés qui seront dans le champ de « l’action éducative ».
La démonstration ainsi faite est surtout une proposition à sens unique : elle ne veut surtout pas tenir compte des professions existantes au point même d’en oublier que des définitions officielles les concernant existent et que ce sont elles qui ont structuré (avec les formateurs) des pratiques professionnelles innovantes tout en promotionnant des méthodologies spécifiques. Qu’à cela ne tienne. Que ces professions publient des revues et ouvrages techniques qui contribuent à la connaissance sur le travail social tant d’un point de vue théorique que pratique n’a aucune importance. Selon la CPC cela n’existe même pas.
Nous aurons alors à faire avec un intitulé générique de diplôme par niveau (par exemple : auxiliaire/assistant en travail social pour le niveau V, technicien/intervenant en travail social pour le niveau IV, expert en travail social niveau III, management/ingénierie en travail social niveau II….) Seront nous demain des techniciens ou des experts ? Qui sera dans la relation d’aide aux personnes? les futurs professionnels de niveaux II ? sans doute pas. Pas sûr que les personnes aidées s’y retrouvent vraiment…
Nos professions seront donc définies par des niveaux de compétence et non plus par leurs professions qui pendant toutes ces décennies ont construit le travail social. La CPC raye cette réalité d’un coup de crayon. Pire même, elle réécrit l’histoire du travail social en ne retenant que ce qui l’arrange et évite soigneusement tout ce qu’a construit nos professions au fil des années. C’est simple, nos identités professionnelles actuelles existent tellement peu pour la CPC que demain elles seront remplacées par une autre identité sans que cela ne semble géner qui que ce soit.
Cette affaire aura aussi surtout l’avantage de permettre de réaliser de substantielles économies. Pensez donc : un seul projet pédagogique pour 5 professions différentes réunies en une seule pour l’actuel niveau III. Elle n’est pas belle la vie ?
Vous noterez aussi que la CPC propose 4 principes sur lesquels nous ne pouvons qu’être en accord :
» Le caractère générique des diplômes. Un diplôme permet d’exercer dans tous les secteurs d’activité concernés par les compétences qu’il atteste. Les diplômes ne sont pas référés à un public ciblé, à un secteur d’activité ou un territoire délimités, à une politique publique, ou à des dispositifs.
Le caractère national des diplômes. Les diplômes d’Etat sont construits sur la base de référentiels professionnels, de certification et de formation élaborés au niveau national.
Le caractère professionnel des diplômes, ce qui induit la valorisation du niveau de qualification par l’enregistrement au RNCP et un objectif d’insertion dans l’emploi. La possibilité de poursuite ou de reprise d’études, dans la « filière travail social » ou dans un parcours universitaire, doit être facilitée. Dans cette perspective, pour les diplômes post baccalauréat, la correspondance avec les grades universitaires (LMD) doit se concrétiser.
L’alternance intégrative comme modalité d’acquisition des compétences, sans réduire cette notion à la seule formule de « stage sur site », mais en conservant dans la structuration de la formation, une interaction primordiale entre acquisitions en centre et acquisitions sur le terrain » des reformes à suivre!
sources DGCS